Les enjeux pour 2022…
« Ensemble pour la viralité[1] de l’Évangile »
De Jérusalem aux extrémités de la terre[2]
Difficile d’imaginer que la crise sanitaire qui nous affecte depuis maintenant 2 ans à l’échelle planétaire a débuté par un patient zéro porteur du coronavirus SARS-Cov-2. L’étendue et la vitesse de sa propagation sont à l’image du monde interconnecté dans lequel nous vivons, notre planète est bel et bien devenue un village…
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec l’Évangile, à condition de bien vouloir prendre en compte les conséquences opposées de l’un et de l’autre. À la différence de la COVID, nous connaissons le « patient zéro » qui, depuis Jérusalem, a été à l’origine de la propagation de l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre. Malgré toutes les tentatives d’éradication, le message de l’Évangile continue de se répandre par le moyen de porteurs sain(t)s et contagieux !
C’est sur l’aspect du « vivre ensemble pour une transmission optimale » que je voudrais insister pour les perspectives de la nouvelle année. Nous savons en effet que l’Évangile se propage par le contact avec des personnes rendues contagieuses car porteuses du message de la Bonne Nouvelle, et ce à plusieurs niveaux de relations.
Au niveau local
Le chrétien est un être ecclésial car, par la régénération, le Saint Esprit l’unit à Christ et le rend du même coup membre de son corps qu’est l’Eglise[3]. Le « vivre ensemble dans l’Eglise » est un élément fondamental de l’expérience chrétienne qui ne peut se limiter à la dimension individuelle. L’unité, la croissance, la contagiosité s’entretiennent dans la proximité des relations au sein d’une expression locale du corps de Christ.
L’histoire de l’Eglise révèle que la propagation de l’Évangile n’a pas été linéaire mais s’est « adaptée », par des mutations mineures, aux contextes géographique, géopolitique, religieux (entre autres) de l’espace et du temps dans lequel elle trouvait son terreau.
On remarquera ici que le vivre ensemble dans la diversité des dons que l’Esprit distribue à son Eglise[4] donne une grande liberté et laisse la place à la créativité pour que le message de l’Évangile vienne rencontrer notre prochain dans son vécu, sous une forme audible.
Aujourd’hui, des personnes sont exposées à l’Évangile « sans contact » au travers de la diffusion des cultes ou autres contenus via les réseaux sociaux ou sur les chaînes YouTube. De fait, les Églises locales sont sorties de leurs murs et en conséquence « soignent » leur image et leur message pour le rendre compréhensible par monsieur-tout-le-monde. Que notre « vivre ensemble » permette à ces personnes d’être accueillies dans nos communautés pour découvrir la réalité physique du corps de Christ rassemblé et de la communion fraternelle.
En contraste avec cet effet bénéfique de l’ouverture au monde de nos Églises, le contexte sociétal est malheureusement source de dissensions profondes pouvant mener à une rupture des relations lorsque l’on aborde les sujets liés au complotisme, à la vaccination ou à la politique dans le contexte des prochaines élections. Ceci est d’autant plus dommageable qu’il impacte notre témoignage du « vivre ensemble » et, du même coup, freine la viralité de l’Évangile. Ne laissons donc pas un autre virus affecter le corps de Christ, mais unissons nos efforts pour maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de paix[5].
Au niveau de l’union
Il s’agit ici des relations entre les Églises au sein d’une union d’Églises. De la même manière qu’un membre du corps ne peut se définir sans lien avec le corps, une Église locale ne peut se définir sans lien avec d’autres Églises locales. C’est notre compréhension du NT vécue au sein d’un congrégationalisme assumé.
La « bonne contamination » demande ici une implication de tous, sans exception, malgré la diversité et des situations locales très différentes les unes des autres. Ainsi, nous constatons que les Églises sont petites ou grandes, en zone rurale ou citadine, avec ou sans plein-temps, isolées ou non, sans faire de ces différences des critères d’évaluation. La mise en commun et le partage des ressources prendra donc des formes bien différentes, mais avec un objectif commun : propager et soutenir la bonne santé.
Aucune Eglise locale ne devrait avoir le sentiment d’être seule (je pense que c’est malheureusement le cas pour quelques-unes), mais au contraire se considérer comme faisant partie d’un tout dont l’état général dépend de l’état de chacun de ses membres. Dans cette compréhension de l’unité de l’Eglise au niveau de l’union, nos interactions participent au même objectif : glorifier Dieu en manifestant au niveau local et supra local, par la grâce du Saint-Esprit, la seigneurie de Jésus-Christ.
Là encore, la pandémie nous sert car nombre de nos Églises mettent en ligne des ressources à destination de leurs membres. D’autre part, la plupart de nos Églises ont maintenant pris l’habitude de tenir des réunions en distanciel. Il me semble donc qu’il y a ici matière à mutualiser dans le domaine de l’enseignement et de la formation. Des études bibliques de qualité pourraient ainsi être mises à disposition, en direct ou en téléchargement, sans perdre le bénéfice d’un temps d’échanges et de partage en présentiel suite à la diffusion. Ceci n’est qu’un exemple qui ne nécessite pas beaucoup de moyens et ne dépend pas de la proximité.
Mais il y a beaucoup d’autres domaines dans lesquels, à condition de mettre en commun des ressources au niveau régional, les Églises pourraient s’enrichir mutuellement, à l’exemple de ce qui s’est développé au niveau national pour la jeunesse, la formation et l’accompagnement des serviteurs ou l’administration.
Autre point qui me semble relever du « ensemble », c’est celui du discernement collectif. Conscients de notre fragilité et de nos limites, dépendants de la grâce de Dieu pour trouver une direction dans un temps d’incertitude et de questionnement, c’est ensemble que nous pouvons nous mettre à son écoute. Des temps particuliers pourraient être mis à profit lors d’une pastorale, du congrès ou de toute autre rencontre, pour écouter, ensemble, ce que le Seigneur veut dire à son Église. Une écoute pour discerner ensemble nos orientations locales en articulation avec la dynamique inter-églises. C’est aussi avec cette disposition de cœur et cette disponibilité devant le Seigneur que nous souhaitons avancer en tant qu’union d’Églises, en Église.
Au niveau national
Ce niveau touche à tout ce qui pourrait favoriser, de manière directe ou indirecte, la viralité de l’Évangile en traversant les cloisonnements dénominationnels. Les 10 ans du CNEF, la nomination d’un nouveau président pour le prochain mandat avec un accent missionnel plus marqué, devraient avoir un effet bénéfique sur la pénétration de l’Évangile dans notre société. Les enjeux d’une saine collaboration en vue de l’évangélisation dépassent nos clivages théologiques ou ecclésiaux. Cette mission générale est confiée à l’Eglise dans son ensemble[6] et nous pouvons nous réjouir de toutes les initiatives qui vont dans ce sens.
L’expertise et les moyens de l’Entente Evangélique en termes de gestion administrative et financière nous permettent déjà d’ouvrir nos services à d’autres unions d’Églises du Réseau FEF. Pour aller plus loin, nous réfléchissons à créer une plateforme qui pourrait abriter la comptabilité des Églises et s’assurer de leur conformité face aux contrôles toujours plus exigeants du gouvernement. C’est aussi une manière de vivre l’Eglise ensemble, afin de fournir un service à l’Eglise locale pour la décharger de certaines tâches ou obligations légales qu’elle ne peut accomplir faute de ressources en interne pour y faire face.
Et force est de constater que les unions d’Églises font toutes face aux mêmes problèmes ou questions intrinsèquement liés à leur fonctionnement. Il y a à cet endroit quelque chose à réfléchir en termes de mutualisation des outils et des compétences afin de libérer de l’énergie et des moyens.
En ce qui concerne la formation théologique des cadres, et à quelques exceptions près, il est acquis au sein du monde évangélique qu’elle ne relève pas de l’Église locale ni même de l’union d’Églises, même si celles-ci ont un rôle à y jouer. C’est un exemple de l’enrichissement qui résulte de la mise en commun de moyens et de personnes pour l’avancement du royaume de Dieu au travers de la formation.
Au niveau mondial
Cet inventaire serait incomplet si je ne mentionnais pas la mission « au loin ». Il est peut-être plus aisé de traiter cette question sous l’angle de l’Église universelle car les enjeux et les moyens dépassent largement le cadre de l’Eglise locale ou d’une union d’Églises. Néanmoins, nous saluons le virage pris par le pôle mission des CAEF qui met tout en œuvre pour pérenniser les partenariats historiques avec les Églises de frères au Tchad et à Madagascar, dans le but de les soutenir dans l’annonce de l’Évangile en finançant des projets cultuels et humanitaires. Et par ailleurs, le pôle mission donne plus de visibilité et encourage la bonne trentaine de missionnaires issus de nos églises, engagés ici ou là dans le monde via plusieurs agences missionnaires spécialisées avec lesquelles il collabore. C’est un bel exemple du « faire ensemble » au sein de l’Eglise de Jésus en vue de l’annonce de l’Évangile.
En conclusion
Nous sommes membres de l’Eglise de Jésus-Christ pour incarner, chacun pour notre part, dans la vie de tous les jours, le caractère et le règne actuel de Dieu.
Imaginons la vitesse à laquelle l’Évangile pourrait se répandre si toutes les jointures qui relient les membres pouvaient, sous la seigneurie de Christ, participer à la croissance du corps qu’est l’Eglise ![7]
Je plaide donc pour une proximité propice à la viralité de l’Évangile au sein de nos Églises, de notre union d’Églises et des unions d’Églises de notre pays. Que le Saint-Esprit nous révèle les gestes barrières qui font obstacle à la propagation de l’Évangile et à la croissance de l’Eglise. Que cette vision de l’Eglise de Jésus-Christ, une et entière, nous encourage face aux défis qui sont devant nous.
Pierre Bariteau
[1] Viralité : diffusion rapide et imprévisible de contenus divers
[2] Actes 1.8
[3] 1 Co 12.12
[4] 1 Co 12.4-5
[5] Eph 4.3
[6] Mat 28.18-20
[7] Eph 4.15-16