Enjeux des doctrines de genre

Le but de cet atelier, animé par Cyril Hetzel lors du Congrès CAEF de mai 2024, était de donner aux participants quelques points de repères pour aborder ce sujet en tant que chrétiens.
En voici quelques extraits.

Avant d’aborder un sujet d’éthique aussi sensible que celui des doctrines de genre, il convient de poser (entre autres…) 2 points importants :

D’abord, une éthique s’appuie toujours sur un fondement. Pour nous, chrétiens, la Bible est ce fondement, l’autorité, la mesure à partir de laquelle nous allons apprécier un sujet d’éthique. Dans le référentiel biblique, nous découvrons 3 aspects de Dieu qui nous informent sur la manière d’aborder le sujet des doctrines de genre :

· Dieu créateur. Il est le créateur et nous, nous sommes ses créatures. Il est l’image parfaite et nous, nous sommes son reflet. Il sait donc mieux que nous qui nous sommes. Notre valeur et celle des autres ne dépendent pas de ce que nous faisons, y compris quand nous nous rebellons contre Dieu.
· Dieu Seigneur. Nous lui appartenons. Dieu a un projet pour que nous soyons réconciliés avec lui et que la création tout entière soit libérée des conséquences du péché. A travers Jésus-Christ, Dieu nous a rachetés pour que dans cette nouvelle liberté, nous nous placions à nouveau et librement sous son autorité.
· Dieu Amour. Dieu nous aime, et il nous a aimés le premier. Cela devrait nous donner envie de l’écouter, de lui plaire, de nous laisser changer selon le projet d’amour qu’il a pour nous.

Ensuite, quel que soit le sujet d’éthique abordé, nous sommes devant ce qui peut paraître comme un dilemme de notre point de vue humain : concilier l’amour et la justice de Dieu.
Comme Jonathan Hanley l’a mis en avant1, nous penchons naturellement vers l’une de ces facettes de Dieu, et cela peut d’ailleurs changer en fonction du sujet éthique qui est abordé ! Le défi du chrétien est de trouver la voie de la grâce qui permet de réconcilier l’amour et la justice de Dieu. Cette voie nous invite avant tout à proclamer l’Evangile et le salut en Jésus-Christ à la croix, ce moment où l’amour et la justice de Dieu se sont parfaitement rejoints.

3 affirmations (parmi d’autres !) sur la transidentité 2et… ce que nous pouvons répondre

Le point de départ de la plupart des doctrines de genre est souvent proche du raisonnement qui pourrait mener à la repentance, i.e. la prise de conscience qu’il y a quelque chose qui empêche l’homme de vivre pleinement ce pour quoi il est né. Mais là où l’Evangile est excentré de l’homme puisque la solution ne vient pas de lui mais de Dieu, les doctrines de genre sont autocentrées puisque la solution ne peut venir que de l’homme lui-même.

« Il y a une différence entre le sexe biologique et le genre. »

Le point de départ de toutes les doctrines du genre est lié à ce postulat de base : il y aurait une déconnexion entre le sexe biologique et le genre, i.e. entre le corps et la manière dont la différence de sexe est matérialisée dans l’existence de la personne. Ainsi, le genre serait une construction sociale qui peut être déconstruite lorsqu’elle a conduit à un écart entre le sexe et le genre. Pour une personne, ce qui serait important en réalité, ce ne serait pas « d’être » d’un genre mais « de se percevoir » dans un genre, fruit d’une démarche personnelle et qui peut être différent du sexe biologique imposé à la personne à sa naissance.

Que dit la Bible ? Cette affirmation pose la question de l’origine de l’homme, la manière dont il a été conçu et de ce qui le compose.

D’abord, les récits de Genèse 1 et 2 indiquent que Dieu a créé l’homme et la femme, parfaits dans tous leurs attributs. Kevin DeYoung dit 3 au sujet de la création : « L’homme et la femme ne sont pas une simple construction culturelle. Dieu révèle que chacun d’eux est un élément essentiel de son projet créationnel. Les deux ne sont ni identiques ni interchangeables. […]. La division de la race humaine en deux sexes, homme et femme – soit l’un soit l’autre, non les deux, et non pas l’un puis l’autre – […], c’était l’idée de Dieu. »

En réalité, il est vrai que l’éducation, la culture dans laquelle on vit, le milieu social, etc… ont un impact sur notre vision de la différence entre hommes et femmes. Ce contexte amène parfois à des dérives, certaines mêmes au nom de principes bibliques mal compris sur l’égalité et le respect voulus par Dieu entre l’homme et la femme. Les doctrines de genre s’appuient sur ces dérives pour montrer l’impact négatif des normes culturelles de genre.

Mais la Bible ne fait pas de cette réalité un principe prescriptif ou en opposition par rapport au sexe biologique, et invite au contraire à vivre cette réalité en cohérence avec la vision biblique de ce qu’est l’homme, et donc en en accord avec les dispositions physiques et biologiques qui ont été données par Dieu.

Cette affirmation oppose le corps et ce qui est de l’ordre du psychique, comme deux entités détachées l’une de l’autre, le psychique étant supérieur au corps. Cette différence entre corps et âme/esprit est aussi présente dans la Bible mais comme un tout uni, et chaque partie, comme l’être tout entier, ont été parfaitement créés par Dieu, à son image et à dessein.

Cependant, le péché a brisé cette perfection de l’être humain, dans son corps et dans son esprit, créant ainsi une différence entre ce que l’être humain vit et l’état initial dans lequel il a été créé. Cette différence ne vient pas d’une déconnexion entre le sexe biologique et le genre, mais du péché qui tord l’alignement parfait au départ entre toutes les parties de l’être humain.

« Le sexe biologique est subi, le genre est choisi. »

Pour les doctrines de genre, il y aurait un « On » qui assigne un sexe à la naissance à chaque individu, et la plupart du temps, les parents suivent cette attribution et assignent un genre à la naissance basé sur le sexe biologique de l’enfant. L’attribution du sexe biologique serait subie et l’être humain ne serait pas donc responsable de l’écart entre le sexe biologique et le genre.

Dans cette conception du monde, sans Dieu Créateur, l’être humain s’oppose à un autre qui choisit à sa place, et/ou le choix que cet autre ferait ne peut pas être entièrement bon puisque ce choix lui a été imposé. Les doctrines du genre mettent en avant une vision de la société dans laquelle l’individu est le seul à choisir, ou plutôt à faire les bons choix, y compris quand ça concerne son identité sexuelle. Le genre devrait être un choix volontaire et positif de l’individu qui pourrait mener vers une transition si l’individu constate qu’il y a un écart entre ce qu’il perçoit et ce que son corps exprime naturellement.

Pour le chrétien, il y a effectivement un « on » qui a créé toute chose, Dieu le créateur de l’humanité et de chaque individu depuis la création du monde. C’est ce qu’affirme le Psaume 139 par exemple. Dieu a effectivement créé l’homme et la femme et la différence entre les sexes fait partie des attributs voulus et donnés par Dieu. Ces attributs permettent à l’homme et la femme d’accomplir ensemble une partie du mandat créationnel donné par Dieu.

D’un point de vue biblique, il n’y a pas de genre à révéler : le genre est quelque chose que l’on est, ce n’est pas la manière dont on se comporte ou on se perçoit : « Homme et femme, il les créa. » (Genèse 1 v 27). Il n’y a pas non plus de « on » arbitraire, avec une connotation négative, mais un Dieu qui a voulu créer des choses bonnes, parmi lesquelles l’homme et la femme : la différence entre l’homme et la femme est vue comme une bonne chose, porteuse de vie. L’homme seul ne peut pas accomplir la mission que Dieu lui a donnée. L’homme et la femme sont appelés à considérer la biologie comme un cadre pour la manière de vivre leur vie et leur sexualité.

Le péché refuse la limite fixée par Dieu. Le fait de ne pas pouvoir être « tout à la fois » fait partie des limites fixées par Dieu, et l’homme pécheur rebelle cherche à dépasser ces limites.

La Bible ne fait pas de mystère sur la responsabilité individuelle de l’homme et donne la réponse au pourquoi du mal-être existentiel de chaque homme et de chaque femme : le péché. L’écart qui peut être perçu entre sexe biologique et genre ne vient pas du Créateur ou de la création elle-même. Cet écart vient de la chute et du péché qui corrompt le corps et l’esprit.


« La seule manière de réduire l’écart entre le genre et la perception du genre, c’est la transition. »

Partant du principe que la transidentité est liée à un sentiment personnel qui est absolu sur tous les autres attributs de l’individu, si la perception du genre révèle un écart, alors cet écart devrait être réduit par la seule solution possible : la transition de genre. Puisque l’écart viendrait d’une attribution extérieure et arbitraire du sexe biologique, la solution devrait être au contraire personnelle et suivre la volonté de chaque personne, allant d’un simple changement d’apparence à la chirurgie, en passant par le recours à des traitements hormonaux.

Dans une perspective biblique, la volonté de rébellion de l’homme envers son Créateur se matérialise dans l’ambition de trouver une solution par lui-même. Le problème est que l’homme est pécheur et donc le problème est que, livré à lui-même, ses désirs vont à l’encontre de la création parfaite de Dieu.
Jérémie 17 v9

L’homme pécheur se rebelle contre Dieu et son autorité, ses propres désirs ne sont pas bons et ses raisonnements humains sont marqués par le péché. Le raisonnement des doctrines de genre est qu’il y a un problème, que celui-ci est extérieur et donc que la solution vient de l’intérieur de l’homme.

D’après la Bible, il y a un problème, mais le problème vient de l’intérieur et donc la solution vient de l’extérieur de l’homme. L’homme n’a effectivement pas le choix s’il veut retrouver l’état originel de communion avec Dieu, et donc avec lui-même.

Sans le pardon en Jésus-Christ et sans repentance, il n’y a pas de réconciliation possible, y compris de réconciliation de l’individu avec sa propre identité. La solution, ce n’est pas la transition mais c’est la repentance et le pardon en Jésus.

Seules la grâce et la puissance de Dieu peuvent transformer et permettre aux hommes, en Christ et par le Saint-Esprit, d’être des créatures réconciliées avec leur Créateur, des créatures qui se voient enfin comme Dieu les a créées et voient qu’Il a bien fait ainsi !

La dysphorie de genre est un symptôme de la création brisée, mais ce n’est pas un péché. Ça le devient quand on agit sur son corps pour traiter ce symptôme, au lieu d’accepter son origine : le péché et la volonté d’indépendance vis-à-vis du Créateur.

Comment lutter contre la dysphorie de genre ? Par Christ seul. Jésus sait combien c’est dur, combien sur ce sujet comme sur d’autres, notre corps et notre esprit souffrent. C’est pour cela qu’il est allé jusqu’au bout en donnant sa vie pour vaincre le péché. Suite à sa conversion, l’homme rentre dans un temps où il faut à nouveau accepter l’autorité et le plan du Dieu Créateur sur sa créature. Obéir à Dieu, c’est aller à l’opposé des désirs de son propre cœur corrompu par le péché et ce chemin de sanctification peut être particulièrement dur pour ceux qui se sont enfoncés dans le péché. Mais la promesse pour eux, comme pour nous, c’est que par Jésus, nous pouvons être des nouvelles créatures.
2 Corinthiens 5 17

 

Exhortation et conclusion

Au-delà des divergences de fond entre les doctrines de genre et l’approche biblique, le questionnement sur le genre devrait nous inviter à mieux comprendre la souffrance des autres, et à apprendre à concilier compassion authentique et clarté théologique.

Comment aimer notre prochain si nous ne reconnaissons pas la vraie souffrance des personnes atteintes de dysphorie de genre ? Aimer l’autre, c’est reconnaitre que la dysphorie de genre n’est pas un sujet superficiel et que les personnes qui en sont atteintes souffrent réellement, dans leur corps et dans leur cœur. C’est aussi réaliser que cette souffrance est la conséquence d’un ressenti réel, mais marqué par le péché.
Romains 8 v18

Lorsque nous sommes capables de souffrir avec ceux qui souffrent et d’accueillir de manière inconditionnelle ceux qui ne partagent pas nos convictions, alors notre amour est vraiment sincère. Accueillir ne veut pas dire que nous approuvons, mais c’est la condition pour que nous puissions parler de notre espérance et de la valeur que ces personnes ont pour Dieu. Parce qu’elles sont aussi créées à l’image de Dieu, même si l’usage qu’elles font de leur corps n’est pas conforme au plan créateur de Dieu, même si elles suivent les désirs d’un cœur corrompu par le péché, même si elles considèrent que le plan créateur de Dieu n’est pas bon.

Accueillir le pécheur n’est pas incompatible avec l’affirmation de la justice de Dieu. Aimer et accueillir l’autre, c’est porter ensemble nos fardeaux et nous exhorter mutuellement au salut et à la sanctification, c’est enseigner un amour inconditionnel envers les minorités persécutées ou rejetées, tout en montrant de manière claire et ancrée dans la Bible ce que nous croyons de Dieu et de son plan pour la Création.

L’Eglise devrait être le lieu de la grâce par excellence, cette voie qui permet de vivre à la fois l’amour et la justice de Dieu.

Notre rôle ne devrait pas être de chercher à avoir raison mais plutôt de partager notre espérance, notre foi et notre amour, et de proclamer une vérité qui est meilleure et libératrice : pour ceux qui reconnaissent leur péché et acceptent le pardon en Jésus, il y a la promesse d’être une nouvelle créature, de vivre une vraie liberté en Dieu, une liberté dans laquelle il ne peut pas y avoir de décalage entre le sexe biologique et le genre.

Notre espérance en Jésus ne nie pas la souffrance présente mais regarde au-delà de cette réalité et pointe vers l’éternité.
Apocalypse 21 v1à 4

Sur le site Wikitrans 2, on peut lire à propos du rôle des proches, « ils ont plus de chances avec vous que sans. » Soyons à la hauteur de cette attente, mais au lieu de n’être que les aides facilitantes décrites dans les doctrines de genre, soyons des points de repère solides qui savent expliquer ce que la Bible dit, de l’amour, de la sainteté, de la gloire, de la création parfaite de Dieu.

Cyril Hetzel.

 

Quelques définitions 2
· Genre : Avant, lié au sexe biologique, aux caractéristiques sexuelles primaires. Aujourd’hui, le genre n’est plus nécessairement lié au sexe biologique.

· Expression de genre : expression visible de comportements et d’attitudes qui sont associées avec le sexe biologique. Pour les adeptes des doctrines de genre, c’est l’extériorisation de son identité de genre, indépendamment du sexe assigné ou biologique.
· Identité de genre : perception, sentiment personnel d’identité qu’une personne a d’elle-même, qu’elle soit homme ou femme, masculine ou féminine. Pas ou plus liée au sexe biologique ou aux caractéristiques physiques de l’individu.
· Dysphorie de genre : détresse, une angoisse intérieure, un malaise suite à un conflit ressenti entre son identité sexuelle et son sexe biologique. C’est donc la perception d’une inadéquation entre le genre qui correspond à son sexe biologique et le ressenti qu’on en a. Il faut accepter que cette dysphorie de genre est un véritable ressenti, une véritable souffrance pour les personnes qui en sont atteintes. Mais ce ressenti n’est pas un péché en soi !
· Transgenre : personne qui adopte une identité de genre ou une expression de genre qui ne correspond pas à son sexe physique et génétique. Elle agit sur son apparence, son comportement ou son corps en réponse à une dysphorie de genre, sans nécessairement que cela s’accompagne par un changement d’orientation sexuelle.
· Transsexuel : personne transgenre qui a subi ou a l’intention de subir un traitement hormonal ou une chirurgie de réassignation.

L’expression de genre peut parfois mener à des stéréotypes de genre, c’est-à-dire qu’on projette sur une personne des attributs, des caractéristiques ou des rôles uniquement en raison de son appartenance au groupe social des femmes ou des hommes. Un stéréotype de genre peut être un problème s’il mène vers la violation des droits de l’homme ou de ses libertés fondamentales. Véhiculer des stéréotypes peut mener à des situations d’abus et nous savons que l’Eglise, dans son histoire et encore aujourd’hui, a pu jouer un rôle dans la propagation de ces stéréotypes.

Sources

1 Masculin/féminin, quand ça se complique…, Jonathan Hanley, février 2023,
https://www.youtube.com/watch?v=VOIABuFMvhs&feature=youtu.be

2  10 idées reçues sur la transidentité, wikitrans.co, avril 2019,
https://wikitrans.co

En quoi les hommes et les femmes sont-ils différents ?  Extrait du livre : Les hommes et les femmes dans l’Église, de Kevin DeYoung, p 131-144, février 2022,

Lectures recommandées

  • Vivre en chrétien aujourd’hui, Repères éthiques pour tous, sous la direction de Louis Schweitzer – Luc Olekhnovitch – Alain Nisus, Éditeur : La Maison de la Bible, Juillet 2015
  • Vivre l’éthique de Dieu, L’amour et la justice au quotidien, Daniel Arnold, Éditeur : La Maison de la Bible, Février 2020
  • Dieu et le débat transgenre, Que dit vraiment la Bible sur l’identité de genre ?, Andrew Walker, Éditeur : BLF Éditions, Mai 2021
  • Transgenre, Vaughan Roberts, Editeur : Editions Clé, Mars 2021
  • Quand genre, culture et foi s’entrechoquent, Marie-Noëlle Yoder, Editeur: Editions Mennonites, Juil-Sep 2023

 

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