Des églises engagées au loin ?
Lorsque nous réfléchissons au mandat missionnaire que le Seigneur nous a laissé, nous peinons parfois à nous positionner en tant qu’église.
- Ne devons-nous pas nous concentrer sur les besoins autour de nous, qui sont déjà si nombreux, plutôt que de nous investir au loin ?
- Face à la complexité des enjeux interculturels, ne vaut-il pas mieux laisser la question des extrémités de la terre aux spécialistes ?
Un commandement…
Le Nouveau Testament montre pourtant la place prépondérante des communautés locales dans la diffusion internationale de l’Évangile : on pense à l’église d’Antioche, prête à laisser partir Paul et Barnabas, ou encore aux chrétiens de Philippes dont le partenariat fidèle était un sujet de joie pour Paul. Mais il est encourageant de voir que cet engagement au loin concerne aussi des communautés qui nous apparaissent plus fragiles : Paul souligne par exemple le rayonnement international de l’église de Thessalonique, bien que la communauté soit récente et implantée dans un contexte difficile. Et malgré tous les dysfonctionnements de l’église de Corinthe, il n’hésite pas à solliciter son soutien dans la prière, et sa solidarité avec les chrétiens de Jérusalem : il semble bien que toutes les églises ont leur place dans le mouvement jusqu’aux extrémités de la terre !
… et une source de bienfaits !
Cette implication missionnaire est bien sûr d’abord une réponse au commandement de notre Seigneur. Mais nous voyons aussi qu’elle est source de bienfaits : en commentant la collecte organisée pour les chrétiens dans le besoin de l’église de Jérusalem, Paul rappelle par exemple aux Corinthiens que « le service de cette collecte ne pourvoit pas seulement aux besoins des saints, il fait aussi abonder les prières de reconnaissance envers Dieu. » (2 Co 9.13). De même, nous sommes souvent encouragés d’une façon toute particulière lorsque nous entendons parler de l’œuvre de Dieu dans un pays lointain, ou lorsque nous rencontrons des frères et sœurs d’une culture très différente : en voyant des exemples concrets de la souveraineté de notre Dieu sur le monde entier, notre compréhension de sa grandeur et de sa puissance grandit et fait éclater notre louange.
Et l’église, dans tout ça ?
La place de l’église locale dans cet élan missionnaire n’est pas toujours simple à trouver : il nous est en effet plus naturel de penser la mission au niveau d’individus (les envoyés que l’on connaît, les personnes particulièrement impliquées dans la mission), ou bien d’organismes spécialisés (SIM, MENA, GLO,…).
Pourtant, sans église, pas de mission !
C’est bien avant tout dans le cadre de l’église locale que se forme la compréhension biblique du monde et de la volonté de Dieu pour ses créatures, qui est essentielle pour l’engagement de ceux que Dieu appelle.
C’est aussi l’église locale qui envoie ses représentants au loin et qui accueille ceux que d’autres envoient. L’expansion de la famille de Dieu à travers le monde conduit alors au développement d’un immense réseau, dont les églises locales sont les nœuds, les points essentiels entre lesquels les liens se créent.
Bien sûr, l’apport des organisations missionnaires est primordial pour faciliter, organiser et consolider ces liens. Ainsi, la connexion sera rendue effective au travers de personnes que le Seigneur appelle et équipe spécifiquement pour ce service. Mais les liens qui se forment dépassent les individus directement impliqués : ils joignent entre elles des communautés et nous permettent de vivre l’interdépendance dans le corps mondial de Christ.
On peut en ce sens penser aux partenariats qui unissent nos églises CAEF aux familles sœurs d’églises tchadiennes ACT et AET : depuis 70 ans, de nombreux français et tchadiens se sont relayés pour entretenir ces liens et faire vivre une relation fraternelle de confiance qui témoigne de la fidélité de Dieu dans la durée et quelles que soient les circonstances. (Le récit du développement de ce partenariat, « Le rosier du désert », par Jean-Pierre Bory, est disponible en téléchargement sur mission.caef.net).
Et concrètement ?
Reconnaissons que la mise en pratique dans nos églises n’est pas simple, d’autant plus que nous cherchons en général plutôt à alléger nos agendas qu’à y ajouter des activités supplémentaires !
Peut-être qu’avant d’agir, il s’agit d’abord de développer un regard « au loin » dans notre culture d’église, qui transparaîtra dans notre lecture de la Parole, nos échanges de nouvelles, nos sujets de prière réguliers. En passant ensuite à l’action, il est sans doute préférable de ne pas trop se disperser parmi toutes les possibilités d’engagement, mais de privilégier une implication dans quelques partenariats qui font sens pour la communauté et qui pourront s’inscrire dans la durée. L’engagement d’une équipe de personnes motivées est également un excellent moteur pour toute l’église : on peut voir à ce sujet le témoignage du groupe mission de l’église de Guebwiller.
Lorsque nous faisons face aux défis particuliers créés par la distance, il est encourageant de voir que les premiers chrétiens rencontraient eux aussi des difficultés logistiques dans la mission : le Nouveau Testament nous laisse la trace de questions d’organisation et de transfert de collectes, de problèmes de transport, et même du problème de l’acheminement d’un vêtement d’un pays à un autre ! Face à ces questions pratiques qui peuvent sembler une perte de temps, notre esprit humain a sans doute naturellement tendance à se concentrer sur une diffusion de l’Évangile de proche en proche, auprès de ceux qui nous ressemblent le plus : cela semble tellement plus simple et efficace.
Mais, si ce travail de proximité est indispensable, notre Dieu tellement grand et pour qui les distances terrestres sont tellement petites, choisit aussi de se glorifier par les liens improbables qu’il permet entre communautés éloignées. Il nous offre ainsi un avant-goût du moment où, après avoir envoyé au loin, il rassemblera auprès de lui l’ensemble de son peuple, issu de toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue.
Suzanne C, avec l’équipe du Pôle Mission des CAEF
Crédit photo : @ben white- unsplash