COVID… Et si ça durait ?

« Vivement que nous puissions reprendre nos activités !»
Bien des chrétiens retiennent leur souffle et serrent les dents en attendant que passe l’orage de la Covid. Nombreux sont ceux qui espèrent un retour à la situation d’avant, quand il était possible de partager des agapes, de se prendre dans les bras et de se donner les mains pour prier. D’autres, au contraire, ont trouvé un certain avantage à vivre l’Église en l’état, pour différentes raisons.

Ils attendent simplement le retour à la normale !
Mais imaginons un instant que la situation perdure… Quelles pourraient en être les conséquences ?
Posons-nous la question, à partir de ce que nous vivons…


Dans de nombreuses Églises, les activités ont été réduites de manière drastique. Le récent reconfinement va impacter un peu plus nos vies d’Eglise. Hier, la distanciation, le port du masque et les divers protocoles n’aidaient pas à faciliter la tenue des rencontres, et finalement changeaient le rassemblement lui-même. La reprise des cultes en distanciel change aussi notre manière de faire culte. Si la situation dure, notre créativité va devoir être encore plus sollicitée pour vivre l’Église, avec des ajustements réguliers.

 

Et si le « faire comme avant » évoluait vers la nécessité d’un « nouveau modèle » ?

Dans tout changement, il y a des pertes et des gains, des deuils et des opportunités. En nous mettant à l’écoute de Dieu, bien des portes pourraient être (re)découvertes, permettant au passage de redéfinir ce qu’est l’Église, qui est bien plus qu’une somme d’activités.

L’Église, ce sont d’abord des personnes en relation avec le Christ et avec d’autres (1 Corinthiens 1.2, 12.13…). Or, la vie communautaire a été ébranlée par la situation de crise que nous vivons. Certains ont constaté que les relations espérées (parfois avec une certaine idéalisation) dans la famille « Église » ne tenaient pas l’épreuve du confinement qui les a séparés les uns des autres. Ce nouveau confinement nous invite à tenir compte du passé. Si certains ont vécu un confinement en mode « vacances forcées », mais plutôt agréables, permettant un repli familial et des retrouvailles inespérées, d’autres ont été déçus, se sont sentis seuls, voire abandonnés. Des tensions sont parfois nées, de la distance a été mise entre les frères et sœurs. Une certaine idéalisation de l’Église a parfois volé en éclats, démontrant que les liens fraternels ne sont en fait pas aussi profonds que ce qu’ils pouvaient paraître de prime abord.

Comment reconstruire ?

Il s’agit désormais de (re)construire du lien, mais lorsque l’on est masqué et que l’on doit garder ses distances, ce n’est pas une mince affaire.
La visio-conférence dominicale ne peut probablement pas être la seule réponse.
Dans un article inspirant des cahiers de l’école pastorale, Marc Deroeux (1) indique que « le risque majeur pour nos églises est le repli sur soi », et il invite donc à ne pas nous laisser influencer par la mentalité individualiste dominante de notre monde (Rm12.1). La période que nous vivons est donc un défi, et en même temps, il y a une opportunité pour :

  • dépasser des relations de simple courtoisie : le « bonjour ça va ? » du dimanche matin,
  • vivre des communions plus étroites,
  • vivre de nouvelles relations plus christocentrées, plus profondes, plus authentiques (Jean 13.34-35) – même si elles se vivent à distance dans un premier temps! ( Après tout, nous sommes bien nombreux à avoir commencé nos vies de couples par des échanges de lettres, de mails et des appels téléphoniques parce que nous étions motivés.)

Vers une communion fraternelle réduite mais plus profonde ?

Quand viendra le déconfinement, si cette situation inédite de la Covid durait, avec la jauge des rassemblements privés fixée à six, il nous faudrait nous obliger à une certaine stabilité relationnelle dans un cercle de chrétiens plus restreint. Une telle contrainte serait aussi l’occasion pour le groupe de densifier sensiblement les relations en son sein !

À l’heure de l’individualisme et du superficiel, la Covid nous donne peut-être l’opportunité de (re)découvrir la réalité de la communion fraternelle profonde et proche à laquelle nous sommes appelés (koinonia renvoie à une interaction qui pouvait aller au partage des biens ! cf. Actes 4.32-33). Nous pouvons probablement anticiper un peu cette réduction des interactions et commencer dès maintenant à vivre une intimité plus grande dans ces petits groupes qui seront appelés à durer.

L’Église, c’est donc plus que des chrétiens vivant la célébration du dimanche.

Nous l’avions peut-être parfois oublié … et nous avons là un défi à relever. Il faut dire que nous n’avons pas compté les heures pour pouvoir nous adapter la première fois. S’il faut désormais soigner la « zoom-communion », en permettant à l’Église de vivre un culte devant Youtube, un nouveau défi se pose pour vivre une vie communautaire en mode 2.0, alors que l’on retrouvait à peine une certaine manière de faire…

Vivre l’Église et vivre le culte, ce n’est pas la même chose !

Plusieurs responsables ont peut être confondu les deux et se sont efforcés uniquement de faire venir les chrétiens au bâtiment église pour le culte.
Le souci est légitime, mais n’y a-t-il pas plus à rechercher ? (1 Thess 4.1). Dans cette optique, on peut se demander si pour une partie non négligeable de nos assemblées, la Covid n’a pas été un simple accélérateur d’une manière de vivre l’Église en mode consommateur, ce que permet aussi Youtube… la possibilité de chanter à plusieurs en moins.

Si la situation durait, il y aurait peut-être à revoir notre manière de différencier vie d’Église et célébration des cultes. Comprenez-moi bien, je ne veux pas dévaluer l’importance des cultes, mais simplement faire réfléchir sur les relations qui doivent s’appuyer sur ce rassemblement mais aussi le prolonger dans la vie quotidienne.

 

Soutenir les parents dans leur mission d’instruire les enfants…

Les enfants paient un lourd tribut dans les Églises. Parfois privés d’écoles du dimanche, qui souvent étaient déjà stoppées par le confinement, les enfants n’ont qu’un lien ténu avec l’Église. Quand on sait que plus de 10% des conversions ont un lien direct avec ces rencontres d’enfants, il y a de quoi laisser songeur…

Est-on conscient que le premier lieu d’instruction spirituelle est la famille et non l’Église (Deutéronome 4.9 ; 6.6-7, Eph 6.4) ? La situation présente invite les parents à (re)prendre en main cette responsabilité que la Bible leur confie. Si la situation perdure, l’Église doit peut-être changer sa manière de faire, en soutenant davantage les parents dans cette mission.

Que dire des personnes âgées ?

Elles s’isolent par peur de cette menace fantôme (mais bien réelle) et se retrouvent seules dans une période de la vie qui isole déjà beaucoup… L’Église est appelée à vivre à contre-courant d’une société qui ne jure que par la performance et la rentabilité ; elle a là encore à se réinventer et à vivre d’une manière digne de son Seigneur (Romains 12.1).
C’est ce témoignage à contre-courant, suscité par l’Esprit, motivé par l’évangile de Jésus-Christ, visant la gloire de Dieu le Père, qui est au cœur même de sa vocation, en toutes circonstances, même en temps de Covid prolongé…

 

Des pierres vivantes cimentées par l’amour que donne le Christ

Enfin, faut-il le rappeler, l’Eglise est un tout, un édifice spirituel (pour reprendre la formule de Paul) où les pierres vivantes sont cimentées par l’amour que donne le Christ. En tant que seul fondement, c’est Lui qui donne à l’ensemble une solidité et une unité que nous sommes appelés à vivre au niveau local et au-delà.

 

Cette Eglise unie, où se vivent des relations authentiques, marquées aussi par le pardon, est le lieu de la bénédiction divine (Psaume 133, Matthieu 18.15-20).

Matthieu Gangloff

1) Marc Deroeux, « Enjeux théologiques pour les églises et les œuvres au travers du prisme de la pandémie Covid-19 » dans Cahiers de l’Ecole Pastorale 117, 3etrimestre 2020, p.13

 

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