En cas d’abus dans l’Eglise locale…

Le 24 mars dernier, evangeliques.info a partagé une communication importante du réseau FEF, au sujet de Guillaume Bourin, communication que nous assumons encore aujourd’hui, laquelle a été relayée par le CNEF. Certains sont reconnaissants que ce type de communication existe, d’autres sont dubitatifs, et d’autres franchement dans l’incompréhension face à cette publication. Il nous semble important d’expliquer pourquoi il est toutefois nécessaire de rendre publics de tels agissements, a fortiori dans le cadre d’un ministère reconnu.


Est-on sûr ? Ne faut-il pas faire attention avec la présomption d’innocence ? N’accuse-t-on pas un peu trop vite ?

Il est clair que l’Eglise ne doit pas se substituer à la justice. Ceci étant, dans ce genre d’affaires, il faut réaliser que la justice est souvent amenée à prononcer des non-lieux, non par absence de problème ou de coupable, mais parce qu’il est matériellement difficile de déterminer s’il y a eu abus ou non. Le juge doit en effet statuer sur la base de témoignage contre témoignage. Comment établir s’il y a eu consentement ou non entre deux adultes ?
Ce travail de justice ne peut en aucun cas être établi par l’Eglise, car il faut des moyens d’investigation, d’impartialité, un professionnalisme et un appareil pénal dont l’Eglise ne dispose pas. Et ce n’est pas sa prérogative. Ceci étant, l’Eglise a aussi sa responsabilité propre pour statuer du caractère immoral ou abusif d’une situation, qu’elle soit qualifiée pénalement ou pas.

Ainsi, elle doit premièrement pouvoir accueillir ou au moins entendre les victimes et faire émerger la parole d’autres victimes potentielles, murées dans le silence, par peur de ne pas être entendues, de ne pas être crues, notamment quand l’agresseur est une personne connue ou une personne d’autorité. Il est donc indispensable de communiquer.

Par ailleurs, l’Eglise a la responsabilité de mettre en place des moyens de protection pour qu’il n’y ait plus d’autres victimes. Il s’agit donc de protéger, et pour protéger d’un danger, l’alerte est nécessaire.

La dénonciation doit aussi être à la mesure de la sphère d’influence. Ainsi, si le problème concerne une personne engagée dans une Église, il faudra communiquer à cette échelle. Si le problème concerne plusieurs Eglises, il faudra communiquer au réseau d’Églises concerné. Et, lorsque le ministère se situe à l’échelle interdénominationnelle, internationale et/ou internautique, c’est logiquement à ce niveau que la communication doit avoir lieu.

Et, si en plus les comportements sont juridiquement répréhensibles, il faut une action en justice. Ainsi, démettre publiquement un ministère parce que plusieurs témoignages crédibles, cohérents et concordants démontrant qu’il existe un risque pour l’intégrité spirituelle, psychologique et/ou physique d’une personne ou d’un groupe de personne nous paraît être une décision responsable, en plus de la saisie de la justice.

Que faire dans l’Eglise ?

D’abord une mise en garde pour tout un chacun. « Par conséquent, que celui qui pense être debout prenne garde de ne pas tomber » (1 Co 10,12). Lorsqu’un ministre du culte (ou quelqu’un d’autre) lutte avec certaines pensées récurrentes, un accompagnement est à envisager au plus vite. Laisser proliférer dans sa vie le péché revient, au-delà du mal fait à d’autres, à un suicide pour le ministère en particulier et pour la vie chrétienne en général.

Ensuite, il convient pour l’Eglise locale d’accueillir la parole des victimes. Même quand l’affaire semble énorme et concerne un responsable tellement apprécié. La victime doit être écoutée et prise au sérieux. Une victime doit aussi pouvoir être accompagnée, aidée avec les outils et ressources disponibles. Cette nécessité dépasse forcément les capacités de l’église locale, qui, même en ayant les compétences, devrait externaliser cet accompagnement par souci d’objectivité et de protection de la victime.

Quand il y a plusieurs victimes aux témoignages crédibles, cohérents et concordants, il faut agir et communiquer pour protéger celles qui sont identifiées, permettre aux victimes potentielles de s’exprimer et en éviter ainsi de futures.

Les églises, unions d’églises et faîtières doivent progresser dans leur structuration pour favoriser l’accueil en matière d’écoute, de prise en compte, d’accompagnement et d’orientation des victimes, et lutter contre les mécanismes institutionnels auto-protecteurs. Il faut saluer à ce titre l’initiative du CNEF et la mise en place d’un réseau d’écoute professionnel, dont chaque Eglise locale devrait faire la promotion.

STOP ABUS  https://www.stop-abus.fr/page/1750251-le-service-d-ecoute

Il est nécessaire que les Eglises en parlent pour que ceux qui sont tentés par le mal aient peur de passer à l’acte car ils pourraient se faire démasquer (cf. 1 Tim 5.19-20). C’est en réalité un des seuls moyens de protection. En effet, ne pas en parler permet à des personnes malveillantes de trouver un espace propice pour agir et déployer des modes opératoires malsains.

L’Entente Evangélique dénoncera toujours le péché, et il ne sera pas question de le couvrir d’une manière ou d’une autre. 

Un article du CNEF- Juridique :
Quelles obligations de dénonciation de crimes ou délits ?

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