Après Lausanne 4 : Ensemble ?
Collaborer, pour obéir au Seigneur et répondre à la mission qu’Il nous a confiée.
Un rapport et des chiffres… plutôt alarmants !
Peu avant la conférence à Séoul, le mouvement de Lausanne a proposé un document unique qui offre au monde un rapport sur l’état global de la mission mondiale en réponse au mandat missionnaire que Jésus-Christ a donné à son Eglise. Ce rapport souligne plusieurs éléments importants et préoccupants qui ont été rappelés lors du Congrès lui-même. Actuellement, 31% de la population mondiale est chrétienne et vit une foi active1.
Cela implique donc que 69% sont séparés de Christ. C’est dramatique ! Et il nous faut considérer le 1,5% de chrétiens qu’affiche la France avec plus de gravité et plus de sérieux encore.
Pouvons-nous nous satisfaire de la réalité spirituelle qu’indiquent ces chiffres ? Nos compatriotes ne connaissent pas Celui qui est la Vie, et nombreux sont ceux qui ne sont pas même confrontés au message de l’Évangile.
Au niveau de la croissance numérique, les Églises en France et en Europe connaissent une certaine stabilité, voire même un déclin. En effet, si l’on considère les données de manière plus précise, le nombre de chrétiens reste à peu près le même, alors que la population a augmenté. D’autant que la croissance des Églises françaises et européennes est stable grâce aux flux migratoires et non pas en raison d’un grand nombre de conversions parmi les natifs d’Europe… Ainsi, alors que le christianisme a eu une influence majeure, façonnant jusqu’à la culture de notre continent, désormais, bien des personnes doutent même qu’un Dieu puisse exister. Et dès lors, le chemin pour arriver à une compréhension de l’autorité de la Bible, du péché, du salut en Christ, et de l’espérance de la résurrection semble donc bien long et ardu.
D’un autre côté, de nombreux chrétiens n’osent plus franchement parler de leur foi dans ce contexte sécularisé. 60% des chrétiens européens considèrent ainsi que le partage de l’Évangile à leurs contemporains est facultatif. Dramatique…
De manière globale, le rapport sur le christianisme mondial rend compte de ce que chaque année,
« même si le nombre de groupes de population non atteints diminue, le nombre de personnes non atteintes continue d’augmenter », même si « les personnes non atteintes se trouvent de plus en plus souvent au sein de nouvelles formes de communautés humaines qui diffèrent des “groupes ethnolinguistiques“ qui dominaient les personnes non atteintes des générations précédentes. L’urbanisation, les migrations, les technologies numériques et l’individualisme […] sont en train de remodeler l’appartenance culturelle. »
Il n’y a donc pas de triomphalisme possible. Alors que la mission a été confiée par le Seigneur il y a plus de 2 000 ans, l’Eglise peine à aller jusqu’aux extrémités de la terre et à rejoindre chaque être humain. Pire, on note même une décélération de l’annonce de l’Evangile, en particulier en Europe. L’Eglise se mobilise moins pour partager la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Et là où des efforts sont produits, le manque d’action coordonnée empêche un travail missionnaire pensé dans une pertinence globale.
Plusieurs missions et Églises locales développent ainsi des projets similaires, qu’ils tiennent absolument à développer parfois pour le même public cible… oubliant du coup d’autres groupes de personnes. De manière dramatique, les chrétiens sont obnubilés par leurs projets, préoccupés d’œuvrer pour Dieu, mais oubliant trop souvent l’œuvre de Dieu.
Par ailleurs, les scandales et les affaires des leaders chrétiens compromettent l’Évangile de manière grave au niveau mondial. Ainsi, certaines nations où l’Évangile était bien implanté connaissent un net recul des jeunes générations fatiguées par la place de l’argent, de la compétition entre leaders et œuvres, et des scandales sexuels qui les dégoûtent de l’Église et de son hypocrisie.
Au moins 4 raisons d’espérer !
Pourtant, même avec de tels constats, il y a des motifs d’espérer et des raisons de se mobiliser tout à nouveau. D’abord parce que :
- Dieu est le même hier, aujourd’hui et éternellement. Il est le Dieu souverain et il aime ce monde et chacun de ses habitants. Il continue d’agir, et en particulier dans des endroits inattendus. Ainsi, des témoignages de conversions affluent des zones les plus fermées, telles que les camps de concentration de Corée du Nord, dans les villes ultra-surveillées de Chine ou dans les troupes de Boko Haram. Dieu est sans rival, et il veut encore sauver des personnes de tous les continents, et pour cela il veut agir au travers de son Eglise.
- Deuxièmement, et il faut le rappeler, l’Évangile continue de sauver. Ceux qui se tournent vers le Seigneur voient leurs vie être transformée. Le Saint-Esprit bouleverse des situations de mort en situation de vie. C’est le cas pour des individus, mais aussi pour des groupes de personnes qui ont vécu des changements impressionnants. Des villages violents ont été transformés en lieu de paix et de solidarité après que l’Évangile, tout juste traduit dans la langue locale, a été compris et vécu. Des réveils ont lieu, en particulier dans des pays parmi les plus hostiles du monde. La persévérance de l’Église dans ces endroits violents est bien souvent le terreau qui permet à la semence de l’Évangile de pousser et de changer des vies.
- Troisièmement, l’Évangile apporte la paix et la réconciliation dans des familles, des nations qui ont été brisées et ravagées par la guerre. Le Rwanda, comme le Burundi, expérimentent quelque chose de la guérison par le pardon. L’œuvre de Dieu est ainsi manifestée par des artisans de paix, ici et là, mais aussi par des entreprises éthiques dirigées selon les principes du royaume et font des différences dans le domaine écologique, numérique, financier … Ce que l’on appelle « Buisness as Mission » (BAM) est en plein essor au niveau mondial, et bien des dirigeants chrétiens se mettent désormais en lien pour coordonner leurs efforts.
- Enfin, le christianisme global se focalise davantage sur les 99% des chrétiens qui ne sont pas dans le clergé (pasteurs, anciens, diacres). Ils sont de plus en plus nombreux à réaliser que leur travail est un ministère en soi, et que les différents lieux de vie (associations, maisons, voisinage) sont aussi des champs missionnaires dans lesquels les chrétiens sont appelés à être temple de Dieu, lieu de Sa présence.
Dieu nous attend comme participants à cette œuvre qu’il déploie dans le monde entier.
Ensemble
L’Eglise de France a un rôle à jouer dans ce tableau mondial, et chacun de nous personnellement également. Mais pas n’importe comment. La prise en compte du projet de Dieu nous oblige à vivre en relation et à travailler avec d’autres… Ensemble.
Le slogan de Lausanne IV a martelé cette idée. « Qu’ensemble l’Eglise proclame et mette en évidence le Christ.»
Etre disciple, c’est non seulement suivre Christ de son côté, mais c’est marcher avec d’autres à la suite du roi des rois. C’est non seulement célébrer le fait que nous sommes adoptés du Père mais aussi chercher à entendre sa voix pour lui obéir. C’est se réjouir de ce que l’Esprit vit en nous, mais en le laissant nous conduire et nous amener là où lui le souhaite avec qui il le souhaite…
Etre un véritable disciple impliquera alors parfois de renoncer à certains projets personnels, pour suivre le Seigneur trois fois saint, ce qui pourrait nous amener à des endroits moins habituels… Mais suivre le Christ invite, non pas à la peur, non à la compétition, mais à la collaboration. Le mandat que Jésus a confié à son Eglise ne peut être relevé que « ensemble ». C’est quand l’Eglise vit dans l’unité et la collaboration réelle, qu’elle est alors à l’image du Dieu trinitaire…
Nous avons probablement plus de moyens qu’il n’y en a jamais eu dans l’histoire du christianisme. Le Saint Esprit agit encore, mais comme le craignait Jacques Ellul, nous avons peut-être troqué le Saint Esprit par notre technique, par nos méthodes, par la logistique, par l’argent…. Or, pour faire l’œuvre de Dieu, on ne peut remplacer la prière par des stratégies et des plans. Le livre des Actes et l’histoire de l’Eglise démontrent avec force que seul l’Esprit est indispensable pour la mission. Le laissons-nous réellement nous diriger ?
Nous affirmons que notre œuvre est pour le Roi. Or, le roi appelle son peuple à vivre dans l’unité pour le servir, de manière coordonnée, et non pas dans un esprit de compétition.
Notre Seigneur a prié pour cette unité (cf. Jean 17, par exemple), l’apôtre Paul a passé son ministère entier à travailler à cette unité entre chrétiens d’arrière-plans variés, Jean a œuvré pour cette collaboration entre les Eglises. Et nous ?
L’engagement du Cap de 2010 affirmait : « Nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier ». Il s’agit désormais de vivre la mission, ensemble, dans l’amour. Un amour pour Dieu qui n’est pas qu’apparence, mais qui oblige à écouter. Un amour pour le projet de Dieu qui dépasse ce que j’en comprends. Un amour qui bannit la crainte de l’autre qui pense autrement que moi. Un amour qui puise ses fondements à la croix et se prolonge dans l’espérance de la résurrection. C’est ensemble, unis en Christ, que nous pourrons réellement refléter le Dieu trinitaire, dont l’amour est l’essence même.
Qu’ensemble l’Eglise proclame et mette en évidence le Christ !
Matthieu Gangloff
Membre de la CSR ( Commission de Service et de Référence, CA de l’Union des CAEF)
1 On peut toujours discuter les contours de ce que l’on met derrière la catégorie, les questions posées font état de personnes qui 1) confessent une foi évangélique et 2) ont une vie ecclésiale régulière.